“Noire, lesbienne, mère, guerrière, poète” ainsi se décrivait Audre Lorde (1934-1992). La coexistence de ces adjectifs dans le même corps et la force qui en résulte déconstruit ce qui est imposé comme étant ‘normal’."
"L’érotique pour l‘auteure est “en chacun de nous [et se situe] sur un plan profondément féminin et spirituel”. C’est une source de pouvoir détournée par un Occident patriarcal. Cet essai d’abord publié en 1978 et plus tard inclus dans Sister Outsider (1984) en est une démonstration à la fois concise et magistrale..." **
"L’érotique comme pouvoir" Audre Lorde
- "Il existe bien des sortes de puissance, utilisées ou non, reconnues ou non. L’érotisme est une ressource présente en chacune de nous, à un niveau profondément féminin et spirituel, une ressource solidement enracinée dans la puissance de nos sentiments inexprimés, ou inavoués.
Pour se perpétuer, toute oppression doit corrompre ou déformer, dans la culture de ceux qu'elle opprime, ces différentes sources de puissance capables de générer l'énergie nécessaire au changement. Pour les femmes, cela a signifié la suppression de l’érotisme comme source appréciable de puissance et de connaissance dans nos vies.
On nous a appris à nous méfier de cette ressource, avilie, déformée et dévalorisée au sein de la société occidentale. D'une part, l’érotisme superficiel est devenu signe de l'infériorité des femmes; de l'autre, les femmes ont dû souffrir et se sentir méprisables et suspectes à cause de l'existence même de cet érotisme.
À partir de là, le pas est vite franchi pour en arriver à la croyance erronée que nous les femmes, nous ne serons vraiment fortes que le jour où l’érotisme aura été rayé de nos vies et de nos consciences. Mais cette force n’est qu’illusion, façonnée qu'elle est par les représentations masculines du pouvoir.
En tant que femmes, nous avons perdu confiance en cette puissance qui vient de notre connaissance la plus profonde et la moins rationnelle. Toute notre vie, le monde des mâles nous a mis en garde contre cette puissance : un monde de mâles qui accorde suffisamment de valeur à la force de cette émotion pour s'entourer de femmes qui la mettront à leur service ; mais qui craint par ailleurs bien trop cette force pour en explorer les possibilités en eux-mêmes.
C'est pourquoi les femmes ont été maintenues dans cette position de distance/infériorité pour être « sucées » psychologiquement, à l'image des fourmis entretenant des colonies de pucerons destinées à fournir une substance vitale à leurs maîtres.
Pourtant l'érotisme est une source intarissable de stimulation et d'accomplissement pour la femme qui n'a pas peur de cette révélation, et qui ne succombe pas à la tentation de croire que la seule sensation suffit.
Souvent les hommes ont mal interprété l'érotisme et l'ont utilisé contre les femmes. On en a fait une sensation trouble, grossière, psychotique, plastifiée. C’est pour cette raison que, confondant l'érotisme avec son contraire, la pornographie, nous avons souvent refusé d'envisager et d'analyser l'érotisme comme une source de puissance et de connaissance.
Or la pornographie, éliminant les véritables émotions, nie en bloc la force de l'érotisme. La pornographie met en valeur une sensation vidée de toute émotion.
L’érotisme mesure la distance qui sépare les premiers pas de la conscience de soi du chaos de nos émotions les plus profondes. Une fois que nous en avons fait l'expérience, nous savons que nous pouvons aspirer à cet accomplissement intérieur. Une fois que nous avons fait l'expérience de la plénitude d'une telle émotion, et que nous en connaissons la puissance nous ne pouvons pas, en toute fierté et en toute dignité, exiger moins de nous-mêmes.
Il n'est jamais facile d'exiger le meilleur de nous-mêmes, de nos vies, de notre travail. Encourager l'excellence, c'est aller au-delà de la médiocrité encouragée par notre société.
Mais céder à la peur de l'émotion, tout en travaillant à plein régime, c'est un luxe que seules les personnes sans projet peuvent s'offrir; et les personnes sans projet sont celles qui ne désirent pas prendre en main leur propre destinée.
Ce besoin intime d'excellence que l'érotisme nous révèle ne doit pas être mal utilisé, ni nous conduire à exiger l'impossible de nous-mêmes et des autres. Une telle exigence paralyserait toute personne dans son cheminement.
Parce que, dans l'érotisme, ce n'est pas seulement ce que nous faisons qui compte, c'est aussi l'acuité et la plénitude avec lesquelles nous ressentons ce que nous faisons. Savoir à quel point nous pouvons éprouver une telle sensation de satisfaction et de plénitude nous permet d'identifier, parmi tous nos comportements, ceux qui dans notre vie nous rapprochent le plus de cette plénitude.
Le but de chaque chose que nous faisons vise à rendre nos vies et celles de nos enfants plus réalisables et plus riches. En célébrant l'érotisme dans tous nos comportements, mon travail devient une prise de décision consciente - un lit ardemment désiré dans lequel j'entre pleine de reconnaissance et duquel je sors puissante.
Bien évidemment, les femmes rendues ainsi puis puissantes sont dangereuses. C'est pourquoi on nous a appris à écarter l'exigence érotique des espaces les plus fondamentaux de nos vies, à l’exception du sexe.
Et ce manque d'intérêt envers la racine érotique et les satisfactions de notre travail se ressent dans la désaffection qui empreint une si grande partie de ce que nous faisons. Par exemple, jusqu'à quel point aimons-nous vraiment notre travail, y compris lorsqu'il devient terriblement exigeant ?
La principale aberration de tout système qui définit le bien en termes de profit plutôt qu'en termes de besoin humain, ou qui définit les besoins humains en excluant les composantes psychiques et émotionnelles de ces derniers - la principale aberration d'un tel système, c'est qu'il ampute notre travail de sa valeur érotique, de sa puissance érotique, du désir de vivre et de la plénitude qui l'accompagnent.
Un tel système réduit le travail à une parodie d'obligations, un devoir qui nous fait gagner notre pain, ou nous conduit à l'oubli de nous-mêmes et de ceux que nous aimons. Cela revient à rendre un peintre aveugle pour lui demander ensuite d'améliorer son travail et de prendre plaisir à peindre. Ce n'est pas seulement proche de l’impossible, c'est aussi plein de cruauté.
En tant que femmes, nous avons besoin de chercher comment construire un monde vraiment différent. Je parle ici de la nécessité de réévaluer toutes les dimensions de nos vies et de notre travail, ainsi que notre progression dans cette tâche.
Le mot érotisme vient du mot grec éros, personnification de l'amour sous tous ses aspects - né du Chaos, incarnation de la puissance créatrice et de l'harmonie. Alors, quand je parle de l'érotisme, je parle de 1'affirmation de la force vitale des femmes; de cette puissante énergie créatrice, dont nous réclamons aujourd’hui la connaissance et l'usage dans notre langage, notre histoire, nos danses, nos amours, notre travail, nos existences.
On tente très souvent de faire de la pornographie un synonyme d'érotisme, deux utilisations diamétralement opposées de la sexualité. À cause de cette tentative d'amalgame, la mode est maintenant à la séparation du spirituel (psychique et émotif) et du politique, à les considérer comme contradictoires et antithétiques. «Qu'est-ce que vous voulez dire, un révolutionnaire poète, un trafiquant d'armes contemplatif ?»
De même, nous avons tenté de séparer le spirituel de l'érotisme, réduisant ainsi le spirituel à un monde d'affects affadis, le monde de l'ascète qui aspire à ne rien ressentir. Mais rien n'est plus éloigné de la vérité. Car la position de l'ascète est celle de la plus grande peur, de l’immobilité la plus angoissée. L’abstinence rigoureuse de l'ascète devient obsession dominante. Et il ne s'agit plus d'autodiscipline mais d'autonégation.
La dichotomie entre le spirituel et le politique est aussi fausse, qui découle d'un manque de considération envers notre savoir érotique. Car le pont qui les relie, c'est l'érotisme - le sensuel -, ces expressions physiques, émotionnelles, psychiques, de ce qu'il y a de plus profond, de plus intense, de plus riche en chacune de nous, et qui doit être partagé : les passions de l'amour, au sens le plus fort du terme.
Au-delà de son côté superficiel, la phrase convenue, « C'est bon pour moi ! », reconnaît la force de l'érotisme comme une véritable connaissance et en fait la première et la plus puissante lumière éclairant toute compréhension. Et la compréhension, cette servante, ne peut qu'attendre, ou clarifier, cette connaissance première, née du tréfonds de notre être. L'érotisme nourrit et prend soin de notre savoir le plus intime.
L'érotisme agit pour moi de plusieurs façons, et la première, c'est de me donner la force, cette force issue du vrai partage d'un objectif quelconque avec une autre personne. La joie partagée, qu'elle soit physique, émotionnelle, psychique ou intellectuelle, construit entre les partenaires un pont, sorte de base permettant de comprendre une grande partie de ce qu'elles ne partagent pas, et d'alléger la menace de leur différence.
Une autre fonction importante du lien érotique, c'est de souligner ouvertement et sans crainte ma capacité à éprouver de la joie. Tout comme mon corps se tend au son de la musique et lui répond en s'ouvrant, attentif à ses rythmes les plus profonds, chaque niveau de sensation m'ouvre la porte d’une expérience érotique épanouissante, qu'il s'agisse de danser, de construire une bibliothèque, d'écrire un poème ou d'étudier une idée.
Cette introspection partagée donne la mesure de la joie que je suis capable d'éprouver, et me rappelle ma capacité émotionnelle. Et cette connaissance profonde et irremplaçable de ma capacité à éprouver de la joie exige que toute ma vie soit vécue en sachant qu'une telle satisfaction est possible, et qu'elle n'a pas besoin de se nommer mariage, Dieu, ou vie après la mort.
C'est une des raisons pour lesquelles l'érotisme est tellement craint et si souvent relégué à la chambre à coucher dès qu'on reconnaît un tant soit peu sa puissance.
Parce qu'une fois que nous commençons à ressentir profondément la texture de notre existence, nous commençons à exiger de nous-mêmes et de nos engagements qu'ils soient en accord avec cette joie dont nous nous savons capables.
Notre savoir érotique nous donne de la force, il devient une lentille à travers laquelle nous scrutons tous les aspects de notre existence.
Sister outsider - ÉROTISME -Aude LORDE
** ►Site Femmes en Défense
*Audre Geraldine Lorde (1934-1992)aussi connue sous les pseudonymes de Gamba Adisa ou Rey Domini est une essayiste et poètesse américaine, militante féministe, lesbienne, engagée dans le mouvement des droits civiques en faveur des Afro-Américains. (Wikipedia)
Le CEL Centre Evolutif Lilith nous informe : Un Stage en défense féminine, le samedi 5 mars de 9h30 à 17h00 à Marseille... (Une proposition d’activité, non organisée par le CEL) :
. Prix 5€ repas de midi compris.S'inscrire rapidement car peu de places. Téléphoner à Isabelle S. (06.03.94.78.03) qui groupera les éventuelles inscriptions.
Dans le cadre de la journée internationale des droits des femmes, l'équipe FED vous propose un nouveau stage de self-défense féminin le 5 mars de 9h30 à 17h.
Elle s'entoure pour l'occasion de Virginie : monitrice membre de la commission nationale de savate défense.
Viens révéler les forces qui sont en toi !
171 avenue de Toulon, Marseille 13010
> 5 € inscription obligatoire
> accessible à toutes à partir de 16 ans (avec autorisation parentale)
> Programme complet :►Site Femmes en Défense
> N'hésitez-pas à nous poser vos questions... :
►Site du CEL, Centre Evolutif Lilith, Marseille
Le scientifique Luc Montagnier, prix Nobel pour la découverte dans les années 1980 du virus du sida, est mort à 89 ans, discrédité depuis longtemps par la communauté scientifique après avoir multiplié les affirmations ((non)) dénuées de fondement, notamment contre les vaccins.
...L'Elysée, revenant sur la genèse de sa carrière, a rappelé "ses travaux précurseurs, son inlassable combat" qui lui valurent "en 2008 cette consécration suprême: un prix Nobel de médecine, partagé avec Françoise Barré-Sinoussi".
Luc Montagnier est mort mardi à l'Hôpital américain de Neuilly-sur-Seine, et son décès a été confirmé jeudi à l'AFP par la mairie de la ville, qui a assuré disposer de son certificat de décès, à la suite d'informations du journal Libération....
(...)Sa découverte concernant le virus du Sida au début des années 1980, alors qu'explosait la pandémie de sida sans espoir de survie à court terme pour les malades, a été le premier pas qui a permis d'aboutir une quinzaine d'années plus tard à des traitements permettant de vivre avec la maladie.
(...) Peu après l'obtention de son prix Nobel,Luc Montagnier a commencé à défendre des théories discréditées scientifiquement, comme celle dite de la "mémoire de l'eau". Le chercheur a également tenu de nombreux propos infondés contre la vaccination, une position qui lui a redonné de la visibilité lors de la crise du Covid-19, en particulier dans les milieux sceptiques quant à la gravité de la maladie ou l'efficacité des vaccins.
(...) Le virologue Didier Raoult, lui-même largement discrédité pour ses positions en faveur de traitements médicamenteux (dont la chloroquine) contre le Covid, a salué sur Twitter "l'originalité" et "l'indépendance" du chercheur. Il a estimé qu'elles avaient à la fois valu à Luc Montagnier le prix Nobel et "l'hostilité inouïe de ses collègues",jugeant que les prises de positions finales de Luc Montagnier avaient été l'objet d'une attention "disproportionnée"... ► Source (revue) E-llico.com 11/02/2022
POUR INFO : Tasse de Thé salue le Pr Luc Montagnier et rend hommage à l'homme et au scientifique (précurseur)...