CHÈRES LIPSTIK LESBIENNES...
À l’opposé des "butchs", les lesbiennes "fem" sont-elles trop féminines pour être visibles ?
Parmi les femmes qui aiment les femmes, différentes expressions de genre existent. Si l’on appelle « butch » les lesbiennes plus masculines, on désigne par « fem » ou "lipstick" les plus féminines. Seulement, ces dernières sont parfois perçues comme hétéro, parfois comme des traîtres faisant le jeu du patriarcat. Mais pourquoi leur lesbianisme serait incompatible avec leur expression de genre ? Témoignages et décryptage.
- Prises pour des hétéros, bien moins identifiables que les butchs, leur pendant à l’expression de genre masculine, l’identité sociale des lesbiennes fem reste difficile à assumer en société. Victimes de sexisme, car pouvant être adeptes de maquillage, de cheveux longs et de talons, parfois obligées de se masculiniser pour rester identifiables auprès de leur communauté, retour sur une identité bien plus complexe qu’elle n’y paraît.
Une invisibilisation quasi-systématique... quant aux remarques auxquelles elle est confrontée auprès d’autres lesbiennes. elle dit avoir beaucoup de mal à trouver sa place dans la communauté lesbienne. « Sur les applis de rencontre, on va toujours me proposer des plans à trois avec des mecs cis, parce qu’on suppose que je dois kiffer ça »...
Cette suspicion automatique d’hétérosexualité envers les femmes d’apparence féminine n’est pas nouvelle, elle est même structurante du patriarcat et du système hétérosexuel, selon la journaliste et rédactrice en chef de la revue lesbienne Well Well Well, Marie Kirschen :
« Les identités fems sont parfois pensées, liée à de nombreux clichés. – à tort à mon sens – comme moins radicales. Elles sont vues comme étant plus proches de la norme hétérosexuelle.»... Une identité résolument female gaze*
- « Au sein comme à l’extérieur du milieu lesbien, j’ai l’impression qu’il y a une dépolitisation. Tu as l’air plus bête et moins puissante, quand tu adoptes des codes féminins, c’est du pur sexisme », décrypte à son tour l’autrice Anne-Fleur Multon.
Outre la présomption d’hétérosexualité et les remarques acerbes ou étonnées que ce cliché peut provoquer, s’outer en tant que lesbienne et fem, peut être vécu comme une double peine (...)
Pourtant, le côté subversif à l’ordre hétéro des lesbiennes fems tient à l’idée de performer une féminité qui n’a pas pour but de séduire le regard masculin mais pour séduire les femmes , contrairement à la féminité hétéro...» : ... le look féminin n’est pas pensé comme l’expression d’une ‘nature’ féminine, mais comme une construction sociale. »
Se revendiquer lesbienne et fem quand on est au croisement de plusieurs discriminations, racisme, transphobie, validisme, classisme ou encore grossophobie, rajoute une barrière de plus au coming-out et à une vie sociale sereine, poursuit Anne-Fleur Multon :
« On subit un manque de représentation des lesbiennes, mais aussi des fems, avec beaucoup de meufs très normées, peu de diversité. Marie Kirschen conclut : « Il faudrait bien sûr les visibiliser. Parler de ces identités, donner à voir leur richesse, les analyser afin de mettre à jour la façon dont elles jouent avec les normes. Pour toutes les raisons déjà évoquées, il y a très peu de travaux en France sur ces questions. Il faudrait qu’il y en ait bien plus. »
* le terme de « female gaze » (ou regard féminin) s’interroge sur la différence entre la manière de filmer les corps de femmes par des hommes..."
Source ► madmoizelle.com/ 01/06/2023
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